Elle aime ses racines africaines, les rituels de beauté et elle aime casser les codes. Salwa Petersen, Franco-tchadienne, a donc créé une marque de cosmétique éponyme en intégrant pour la première fois dans l’ère de la beauté moderne le Chébé du Tchad, secret de la longueur légendaire des cheveux des Tchadiennes. Son premier produit est une crème de soin capillaire composée de 97,97% d’ingrédients d’origine naturelle. Un must !
Pour tirer des clés nécessaires à la création d’entreprise et connaitre les réussites et difficultés de Salwa, on t’invite à lire son aventure entrepreneuriale en détail ici :
Quand on lui demande trois mots pour se décrire, Salwa répond premièrement déterminée, puis rêveuse et enfin résiliente. « Pour réussir dans l’entrepreneuriat – et se lancer en pleine pandémie- , il faut être très résilient. Je suis nomade du Tchad et ça, c’est une qualité qu’on est obligé d’avoir quand on vit dans le désert » fait-elle savoir avec le sourire. L’entrepreneuse n’a pas menti sur sa description… Mais nous, on rajoute un quatrième mot : pionnière.
Son adolescence au Tchad, ses premiers petits business et sa volonté de réduire les inégalités dans son pays d’origine
Généralement, on rentre au lycée à 15 ans mais elle, Salwa, c’est à cet âge là qu’elle l’a terminé. L’adolescente a fait le choix d’intégrer une école de commerce au Tchad, pays d’origine de ses parents, et d’y passer deux ans de sa vie. Une expérience extraordinaire pour elle qui est née en Arabie Saoudite, élevée au Bénin et qui a vécu la suite de sa vie en Suisse. Cette immersion totale au Tchad n’a pas ressemblé aux étés qu’elle avait l’habitude de passer chaque année. Durant ces 24 mois, la jeune fille s’est retrouvée dans une maison familiale exclusivement féminine entourée de son arrière grand-mère maternelle, sa grand-mère et de ses tantes.
« J’ai été plongée dans les traditions, les différents rituels de beauté ancestrales et la cuisine. Mais il y a eu aussi beaucoup de choses qui m’ont révoltée. Au Tchad, plus de 80% des femmes sont analphabètes. C’est l’un des pays avec le taux d’illettrisme le plus élevé au monde. La pratique de l’excision, les mariages forcés ou encore les femmes qui se marient très jeunes ont été les sujets de nombreux débats ! » se souvient-elle. Pas question pour Salwa de suivre ce chemin là.
Alors à 16 ans, en parallèle de son cursus, elle lance plein de petits business de vente et souhaite même arrêter ses études pour s’y consacrer pleinement mais son père oppose son veto. « L’entrepreneuriat a toujours été en moi, j’étais prête à créer mon entreprise au Tchad mais il voulait absolument que je continue mes études jusqu’au bout. Je suis donc devenue avocate car je voulais réduire les injustices de mon pays et améliorer la condition des femmes » nous révèle Salwa. Elle a donc quitté le Tchad pour l’Egypte afin de suivre un double cursus de droit avec l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne au sein de l’Université du Caire avant d’intégrer l’Université de Montréal pour sa licence. Là-bas, la jeune fille a décidé de faire ses armes à la Banque Mondiale (BM) après avoir lu les livres de l’économiste Joseph Stiglitz. Salwa ne le savait pas encore, mais elle allait marquer à jamais cette institution financière internationale.
De la Banque Mondiale à L’Oréal : savoir dire non quand il faut et avoir un impact à travers une entreprise
« J’avais 22 ans, je faisais mon Master à Paris 1 Panthéon Sorbonne en tant que lauréate de la bourse d’excellence Eiffel et je voulais vraiment travailler à la BM. Un jour, j’ai pris mon téléphone et j’ai demandé à parler à la Vice-présidente du département juridique. Je ne sais pas comment mais j’ai réussi à l’avoir directement en ligne ». Anne-Marie Leroy, en poste à l’époque, a trouvé cette démarche tellement audacieuse de la part de Salwa qu’elle lui a donné son mail et l’a recruté juste en sortant de l’école. « Cela a fait de moi la plus jeune conseillère juridique de l’histoire de la BM et du FMI réunis » déclare Salwa le sourire aux lèvres.
Après cette expérience, Salwa a effectué la suite de ces études à Harvard et est devenue la première élève de nationalité tchadienne a être diplômée de l’école. C’est durant ces années qu’elle a écrit le business plan de ce qui est devenu sa marque aujourd’hui : une crème de soin capillaire au Chébé adaptée aux besoins des femmes contemporaines et composée de matières premières obtenues de manière durable, d’ingrédients issus du commerce équitable et d’actifs certifiés biologiques.
« C’était il y a 9 ans, en 2012-13. Je me suis rendue compte que j’étais passionnée mais que je n’avais pas vraiment de connaissances sur le monde de la beauté…» déclare-t-elle. Diplôme en poche, Salwa quitte Harvard avec un plan bien défini en tête pour y remédier : intégrer le groupe L’Oréal afin de tout apprendre de cette industrie et de lancer sa marque. Mais tout ne se passe pas comme prévu.
« Pour la première fois de son histoire, le Tchad obtient un siège au Conseil de sécurité aux Nations Unies pile l’année où je sors de Harvard. Big deal ! La présidence m’appelle pour travailler comme vice-ambassadeur du pays aux Nations Unies… J’ai dit non. La moitié de ma famille ne m’a pas parlé pendant un an. C’était très difficile mais accepter l’offre allait retarder ce que j’avais réellement envie de faire ! Je trouvais que ce n’était pas avec ça qu’on avait un impact… du moins le genre d’impact que moi j’avais envie d’avoir » avoue-t-elle.
Installée à Paris, Salwa travaille, comme elle le souhaitait, au sein du groupe L’Oréal. Conseillère de vente à son arrivée et Directrice de zone à son départ en 2017, Salwa a changé 6 fois de postes en seulement 4 ans pour gagner en expérience et développer ses compétences. Elle quitte le groupe en révélant brièvement son projet : « Ils ont proposé d’investir dans mon entreprise. Là encore, j’ai dit non car je savais que je n’allais pas être totalement libre. De plus, c’était important pour moi de construire quelque chose de moi-même jusqu’au bout… même si ça m’a coûté beaucoup plus cher que prévu !! ».
La naissance de la marque Salwa Petersen : les difficultés, sacrifices et réussites
En 2017, l’aventure entrepreneuriale débute enfin pour Salwa et son mari à ses côtés ! Le couple décide d’aller vivre en Nouvelle Zélande et de bien s’entourer pour mener à bien ce projet qui a vu le jour fin 2020.
« Il y a eu plusieurs phases et moments difficiles. On a d’abord voyagé au Tchad puis j’ai mis presque 8 mois à trouver le bon laboratoire pour extraire le Chébé. On a créé nous-mêmes des formules et ça coûte très cher. J’ai injecté tout le fond de retraite de la BM que j’avais, toutes mes économies, j’ai vendu des bijoux, des sacs dont un Hermès, la chaise sur laquelle je m’asseyais chez moi (rires). Elle avait de la valeur . Avec mon mari, on a tout mis» dit-elle avec passion.
Ça n’a pas été simple mais tous ces sacrifices ont valu la peine. De plus, la marque a un impact positif sur la vie des femmes Tchadiennes qui trient une à une les graines de Chébé. « Je les rémunère avec un salaire trois fois supérieur au salaire local. Pour chaque crème acheté un euro leur est reversé. Nous travaillons en collaboration avec l’ONG African Parks et nous avons mis en place un projet d’alphabétisation. Avec cet argent, elles ont les moyens de scolariser leurs filles et ça, ça me rend très fière !! ».
Ce qui la rend fière également, c’est la neutralité carbone de son entreprise. L’objectif est d’atteindre un impact négatif. Salwa et toute l’équipe ont réussi à créer un packaging 100% recyclable qui mélange les codes du luxe et de l’écologie. « Nous avons fait 0 compromis du début à la fin. Je voulais un extrait 100% naturel à partir des graines de Chébé du Tchad. Mon extrait, extrêmement concentré, est obtenu en suivant un procédé de chimie verte qui permet un accès sans précédent à toutes les molécules actives de la plante. Ça a pris du temps, de l’argent mais on l’a fait.» termine Salwa, heureuse d’apporter une innovation dans le marché de la beauté avec ce « nouvel ingrédient ».
Site Salwa Petersen / Instagram Salwa Petersen